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Bois énergie, à quoi faut-il s’attendre cet hiver ?

06/10/2022

Que ce soit sous sa forme séculaire de bois de chauffage ou ses variations plus modernes que sont le granulé et le bois déchiqueté, le bois énergie est la première énergie renouvelable de France depuis longtemps.  Soutenu par la mise en place des différents dispositifs d’aides depuis près de 20 ans, tant dans le domaine domestique que collectif ou industriel, le bois énergie joue et continuera de jouer un rôle important dans les objectifs de transition énergétique (lien ADEME Transition 2050).

Mais cet hiver, un décollage sans précédent de la demande a surpris les fournisseurs de combustibles bois. Ceux-ci s’en sont tout d’abord félicité mais l’ampleur de la hausse leur a vite imposé un rythme de travail et une réorganisation inédits. A quoi est-elle e ? La hausse des prix qui l’accompagne va-t-elle ralentir ? Et la ressource, sera-t-elle suffisante pour répondre à cet engouement ?

Les causes

2021 : record des ventes d’appareils de chauffage au bois  

Hausse des consommations chez les particuliers 

Les confinements puis le télétravail ont contraint les particuliers à chauffer davantage leur maison. Les solutions d’appoint au bois, plus économiques, ont parfois été choisies pour ces raisons mais aussi pour leur caractère local et renouvelable. 

En 2021, 422 930 appareils domestiques de chauffage au bois ont été commercialisés, soit une progression de 34,4% par rapport à 2020, portée principalement par les segments des poêles (+ 34,9%) et des chaudières (+ 104,6%). Pour la première fois, les ventes d’appareils automatiques à granulés dépassent celles des appareils manuels à bûches, avec une croissance de près de 50% par rapport à 2020. 

Télécharger l’étude Observ’Er
Des ventes boostées par Ma prime Rénov 

Même si l’Etat aide depuis plus longtemps les particuliers dans l’achat d’un moyen de chauffage au bois performant (crédit impôt, etc.), c’est en 2020 que le dispositif « Ma prime Rénov » a été mis en place afin de regrouper et de faciliter les démarches de demande d’aides à la rénovation. 

La crise sanitaire a freiné son développement. En 2021 les acteurs économiques se sont adaptés et ont pu relancer la dynamique, permettant de rattraper une partie des ventes annulées en 2020.  

2021 est donc la véritable première année où ces aides jouent pleinement leur rôle.  

Bilan ma prime Renov 2021       /       Bilan ma prime Renov 2022 

L’incitation de l’Etat à remplacer progressivement les chaudières fioul ou gaz a été un déclencheur massif de choix pour les pompes à chaleur et les chaudières à granulés, qui sont deux options renouvelables ou décarbonées offrant le même confort que les références aux énergies fossiles. Concernant les chaudières à bois, 87 % des ventes sont des chaudières à granulés. Elles ont été multipliées par sept en dix ans. 

Tous ces éléments ont participé à une hausse importante de la demande en bois (bûche et granulés) durant l’hiver 2020-2021, puis en 2021-2022 (source Observ’Er). 

Des changements d’habitude observés depuis 10 ans 

La consommation de bois bûche a lentement mais régulièrement diminué ces 10 dernières années. Mais on observe une disparition encore plus rapide des auto-consommateurs de bois de chauffage (personne faisant elle-même son bois, le préparant longtemps à l’avance et le stockant chez lui). Ce sont donc les professionnels vendeurs de bois de chauffage qui profitent des nouveaux consommateurs de bois. Leurs habitudes sont souvent assez différentes des clients historiques : bois livré sur palette, prêt à l’emploi (très sec), coupé en petites longueurs et refendu, acheté en petites quantités y compris au cours de l’hiver. Les professionnels s’adaptent mais la demande les a rattrapés ces 2 dernières années. Entreprises majoritairement de très petite taille, leur trésorerie ne leur permet généralement pas d’investir dans des séchoirs pour accélérer la cadence et la main d’œuvre manque pour bûcheronner en forêt. 

Une hausse générale du prix des énergies 

Une hausse du coût de l’électricité dès 2021  

Durant la crise sanitaire, les opérations de maintenance sur plusieurs réacteurs nucléaires ont dû être reportées. Les tarifs de vente de l’électricité aux industriels ont été revus à la hausse, ce qui a déclenché un intérêt nouveau pour l’énergie bois, en remplacement ou en complément.  

Les industries et les collectivités qui étaient déjà équipés en chaudières bois ont privilégié le recours à cette énergie dans leur mix énergétique, ce qui a provoqué une hausse des consommations en bois déchiqueté dès l’automne 2021 (+20%) (source CBQ+).
Ces hausses n’ont pas impacté aussi durement les particuliers qui sont desservis sous des tarifs « protégés ».

Sortir de la dépendance aux énergies fossiles russes 

L’UE impose des sanctions politiques à la Russie en interrompant l’achat de gaz russe qui représente 40% de la consommation européenne en 2021 : une réorganisation rapide et profonde des marchés énergétiques est en cours partout en Europe et dans le monde.

Les prix des énergies flambent et impactent les prix des matériaux, dont le bois. Les industriels comme les collectivités se tournent vers l’énergie bois (bois déchiqueté et granulé) pour limiter les coûts : de nombreux projets sont aujourd’hui à l’étude. Par ailleurs, ceux qui étaient déjà équipés en chaudière bois ont maximisé son utilisation pour avoir moins recours aux appoints fossiles utilisés en parallèle. Les consommations en bois déchiqueté ont fortement augmenté en France durant l’hiver 2021-2022 et les pays limitrophes ont amplifié la tension en achetant le bois déchiqueté français, plus disponible et moins cher que dans d’autres pays voisins.

La hausse globale du prix des énergies impacte directement l’ensemble des combustibles bois. (Buches, Granulés comme Bois déchiqueté). De la récolte à la distribution en passant par la transformation l’ensemble de la chaine de production est touchée. 

Télécharger l’indice des prix granulés

Un manque de moyens humains 

Une pénurie de main d’œuvre qui freine le développement de la capacité de production des entreprises  

A cela s’est ajouté une crise de l’emploi : en quelques mois, des secteurs entiers se retrouvent en pénurie de main d’œuvre. C’est le cas de la forêt et des industries du bois. Pour attirer, il faudra, entre autres, revaloriser les métiers et promouvoir le bois… En attendant, les machines forestières comme les usines tournent tant bien que mal dans un contexte de forte demande. Les moyens humains et matériels ne permettent ainsi pas, à l’heure actuelle, d’absorber la totalité des pics d’augmentation. 

Métiers, formations et offres d’emploi de la filière bois : https://www.metiers-foret-bois.org/ 


Une demande en bois d’œuvre, bois construction très soutenue qui mobilise les moyens humains et matériels
 

Durant la période de la crise sanitaire, l’économie dans son ensemble s’est trouvée perturbée. Les marchés déstabilisés ont concerné les matériaux bois (bois construction, panneaux, palettes, …), comme d’autres matières premières. La demande en bois français a très fortement augmenté dès fin 2020, amenant quelques mois plus tard les outils de production (exploitation forestière, scieries, industries, …) à saturation jusqu’à aujourd’hui (mi 2022). 

La ressource sera-t-elle suffisante ?

Priorité à la sobriété 

La place du bois dans le mix énergétique est importante et le restera certainement. Le bois énergie c’est 33 % de la production en énergies renouvelables en France en 2020, soit la première énergie renouvelable. Mais le bois ne pourra pas palier à l’abandon des énergies fossiles à lui seul. Le développement des énergies renouvelables dans leur diversité est incontournable mais les priorités absolues restent la sobriété et l’efficacité énergétique. A commencer par l’isolation des logements existants et la diminution de nos consommations énergétiques en général.  

 

Des objectifs affirmés 

Les objectifs de la PPE (Programme Pluriannuel de l’Energie) sont de passer de 28 TWh/an de bois énergie consommés (hors secteur domestique) en 2022 à environ 75 TWh/an en 2033, soit +150% en 11 ans (source CIBE-SER, Note de position PPE3, 27 juin 2022). Ces objectifs sont travaillés en concertation avec les acteurs de la filière bois énergie et seront à décliner en fonction des territoires, en lien avec leur potentiel forestier. Ils s’appuient sur des calculs réalisés à l’échelle nationale, à partir de données globales et seraient à affiner à mesure.

Un développement accompagné et surveillé 

Des organismes tels que le CIBE observent le développement de la filière bois énergie au niveau national. Des structures implantées plus localement suivent les consommations de bois énergie, tous combustibles confondus. Les études et observatoires mis en place sur le sujet du bois énergie mais également de la forêt et du bois en général, pourront permettre d’alerter en cas de risque de surconsommation. 


Des règles de gestion durable en application
 

La mobilisation du bois répond à certaines règles : le code forestier et la hiérarchie des usages. Ces 2 lignes directrices conditionnent les qualités et les quantités de bois exploitables dans des conditions de gestion durable des forêts. Rappelons que le code forestier est inscrit dans la loi française depuis 2001. 

L’état peut ainsi continuer d’accompagner la structuration du bois énergie et son développement et en parallèle renforcer les observatoires et études concernant ce secteur. Mais en tout premier lieu, sa responsabilité est d’intensifier les messages et les actes en faveur de la sobriété et de l’efficacité énergétique. 

Ademe : enjeux de la transition énergétique  

Zoom sur le bois bûche

La quantité de bois nécessaire à la satisfaction de la demande existe bien. Mais le bois reste en forêt, faute de moyens humains et matériels pour le mobiliser et le transformer. Il y aura donc un problème de quantité à court terme mais pas forcément à long terme vue la disponibilité en feuillus non exploités en France. En revanche, pour sa qualité (bois sec < 23%), à moins de s’appuyer sur un séchoir pour assurer une production en flux tendu, le bois qui sera livré ne pourra être sec que s’il avait été possible d’anticiper cette extraordinaire augmentation de la demande il y a plus d’un an et d’avoir les moyens financiers d’immobiliser des stocks importants. Ce qui n’est pas le cas… 

La filière s’organise … 

L’Etat s’est emparé de la problématique de structuration d’une offre de qualité dans ce secteur en sortant en mars 2022 un Décret et un Arrêté liés à la vente de bois de chauffage. De plus, l’Etat accompagne les entreprises par la mise en place de nouveaux dispositifs d’aides pour leurs équipements de production (séchoir, zone de stockage, etc). Le premier texte entre en vigueur dès cet automne. 

Télécharger : Décret et Arrêté  

  

Hans Isaacson Cpdonydlpny Unsplash

Zoom sur le bois déchiqueté

La relance d’activités de fabrication de panneaux et de papiers, consommant diverses qualités de bois, fait craindre à des conflits d’usages sur le bois de trituration (concurrence avec bois déchiqueté et certaines unités de granulation). Les déchets de bois (mobilier en fin de vie, matériaux issus de déconstructions) sont également une ressource pour ces industries qui s’inquiètent de la sortie de terre de projets de chaufferies consommant ces mêmes produits. Toutefois cette matière n’est aujourd’hui, dans la majorité des volumes produits en France, pas valorisée localement. 

La filière s’organise … 

Il reste du travail à mener pour mieux mobiliser tous les types de bois déchiqueté (déchets verts, déchets de bois d’ameublement et construction, emballages bois, …) et optimiser leur valorisation énergétique. De plus, de nombreuses surfaces forestières et bocagères, qui ne sont aujourd’hui pas entretenues (ou mal entretenues), pourraient générer régulièrement des volumes de bois supplémentaires pour le bois énergie. 

Connexes

Zoom sur le granulé

En France, 1.8 Mt ont été consommées en 2019, essentiellement pour le chauffage. L’import-export était jusqu’à présent faible en France, et existait principalement avec les pays limitrophes. Sur une consommation estimée à 2.4 Mt en 2021, la part d’importation atteindrait 16 %.  

En effet, bien que la production ait suivi la consommation cette dernière décennie, les récentes augmentations de la demande ne peuvent pas être couvertes par les nouvelles lignes de production (1.8 Mt en 2021). Ainsi, l’importation est un recours pour compléter la production française, le temps d’ajustements entre l’offre et la demande.

Les sanctions politique de l’UE contre la Russie et la Biélorussie et la situation d’arrêt de l’économie en Ukraine amputent le marché européen de 3 Mt de granulés, ce qui représente 10% de la consommation européenne annuelle (estimée à 30.5 Mt/an). 

La filière s’organise … 

La France comme les autres pays européens s’organise pour faire face à cette réorganisation des marchés, notamment par de l’importation outre-Atlantique. Les unités de granulation françaises tournent à plein régime. 

La ressource n’est actuellement pas le facteur limitant la production de granulés : ce sont les usines qui manquent. La production à l’échelle mondiale, certainement amputée des productions russes, biélorusses et ukrainiennes (leurs volumes importés habituellement par l’UE correspondent à la consommation de l’Italie, en « temps normal »), va peiner à satisfaire la demande. Un hiver doux est à espérer en 2022-2023 pour détendre un peu le marché…

Les stocks sont actuellement très faibles mais la production est continue. La filière s’organise pour éviter les phénomènes de sur-stockage en limitant les volumes livrés aux consommateurs, quitte à réapprovisionner en cours d’hiver. L’objectif est que chacun puisse entamer l’hiver avec de quoi se chauffer. 

Propellet prévoit une augmentation des capacités de production de 1 million de tonnes supplémentaires à l’horizon 2024 et un doublement de la capacité à horizon 2028. En 2021, la production était estimée à 2.8 Mt. 

A l’avenir, les scieries augmentant leur production, des volumes de sciures et connexes supplémentaires pourraient arriver sur le marché. Mais la crise énergétique poussera certainement les scieurs à s’équiper eux-mêmes en séchoirs fonctionnant à partir de leurs connexes… Des subventions les y incitent à l’heure actuelle. 

Pour les nouveaux projets de granulation, l’avenir passera par l’intégration de feuillus dans la formulation des granulés. Pour rappel la majorité des granulés actuellement produits en France est composé à 100% de résineux. Les gisements en feuillus, dont la qualité ne permet pas de valorisation en bois d’œuvre, sont importants en France. Des études prouvent que le granulé de feuillus répondra aux exigences des certifications.

Télécharger l’argumentaire Propellet  

Cliquer ici pour plus d’info sur la filière granulé

Les ressources feuillues semblent être abondantes dans des qualités secondaires mais elles ne sont aujourd’hui que peu valorisées. C’est donc un gisement potentiel pour continuer le développement de la filière bois Energie

Il faudra cependant s’attendre à une probable concurrence sur l’utilisation de ces bois, entre les usages en bois de chauffage, en bois déchiqueté et en granulé…

Les usages en bois d’œuvre se tournent aussi vers cette ressource. Il conviendra donc de mieux maitriser ce gisement et ses débouchés car son développement est un enjeu important pour les années à venir.